Je suis là, assis, une arme près de ma main, une arme à feu, un pistolet. Un sourire en coin, ce pistolet me fait penser à un western, une petite ironie pour quelqu’un qui va partir, qui va s’en aller, loin, quitter ce monde, quitter cet endroit où je suis loin d’être chez moi, loin d’être accepté.
Accepté ? Disons que, même moi en ce moment, je suis loin de pouvoir m’accepter. Un autre sourire ? Oui, sourire en coin, noir, presque malsain, pourtant suis-je malsain ? Pourtant, je suis comme je suis, je suis incapable d’être autre chose que ce que je suis. Pourquoi est-ce que je vis mal ce que je suis, qui suis-je en fait ?
C’est vrai, tout petit déjà, j’étais différent. Né de cette famille, à part à cause de tout ce qui a été dit autour de moi, de nous, de ma famille, pourtant suis-je cette famille à moi tout seul ? Je suis juste moi, juste qui je suis. Je suis autre chose que ceux qui ont créés des échos autour de chez moi car ils ont fait des choses qui, pour ici, ne se font pas.
Ai-je vraiment envie de sourire, de rire ou de pleurer ? J’ai surtout envie de hurler à bien y penser, oui de hurler ce que je suis, envie de pouvoir dire qui je suis et, au-delà des mots, au-delà de qui je suis pouvoir enfin m’accepter, être accepté et, mieux encore, être aimé.
Pourtant, j’ai essayé, j’ai tout fait pour être un autre, pour être comme tout le monde, j’ai essayé de suivre l’éthique de ce monde, j’ai essayé de me lancer dans ce monde en me montrant autre que ce que je suis réellement. J’ai endossé des rôles pour passer les étapes de cette vie.
Seulement, à force de me mentir, je me suis perdu, j’ai été dans des contrées où j’étais juste l’ombre de qui je suis. J’ai été à jouer une vie qui s’est trouvée là, simplement posée pour montrer l’exemple dans ce monde, surtout m’y intégrer.
Surtout ? Personne pour savoir, je dois être qui les autres veulent que je sois, je veux être intégré à ce monde, c’est là où je vis, c’est là que je suis né, c’est là que je dois continuer à vivre car c’est tout ce que je suis. IL faut que j’y arrive, je dois faire face et surtout montrer que je suis comme eux.
Seulement, j’ai mal d’être un autre, j’ai mal de me sentir autre que celui que je dois être. Je sais, je sens, je ressens, les autres sont loin d’être dupes, quoi que je fasse ils savent, ils se gaussent, ils roucoulent derrière moi, ils sont là à me dévisager, me critiquer, je sens tout cela, je sens cette haine, cette rancune.
Tout cela m’humilie, me salit, me réduit à moins que ce que je suis, une créature repoussante, si seulement je pouvais arrêter de ressentir tout cela, de savoir, si je pouvais arrêter de penser, de comprendre, de savoir, j’aimerai hurler cette souffrance, hurler ce cri qui ferait que je sois plus sot qu’un sot.
J’ai beau faire, je vois les regards en coin, les ricanements dès que je quitte un lieu, les silences dès que j’arrive, les regards qui trainent au sol quand je pose une question qui dérange, les mais non, nous ne parlions pas de toi, les sempiternelles soirs où tous se retrouvent et où moi je ne suis pas invité.
Oui, ils savent, je suis qui je suis et il m’est impossible de vivre cela plus longtemps. Je sais qui je suis, je sais ce que je suis pour eux, je préfère me laisser aller, cette arme, une balle ou plus ?
Au moins, un jeu, où je vais pouvoir jouer. Je sais, je serais seul sur ce coup là, mais en a-t-il été autrement de ma vie ? J’ai toujours été seul car étant homosexuel, le monde se rit de moi, le monde se gausse de moi, surtout là où j’habite, pour eux c’est le mal.
Et oui, j’aurai pu aller à Paris, dans un endroit où tout les homosexuels sont acceptés, mais j’ai ma famille, je l’aime, même si eux aussi ne savent pas et surtout ne veulent pas savoir. C’est là où je suis né et c’est là que je veux être.
Allons, il est temps d’y aller, le pistolet sur la tempe, il suffira d’une pression du doigt et tout sera la fin, pour moi, dans une autre vie. Certains diront que je suis un lâche, que je me suis suicidé, d’autres comprendront ce que j’ai fais, ils sauront qui sont les lâches dans cette histoire.
Oui, j’ai essayé de m’intégrer, de me faire des amis, j’en ai bien un, un super, il est loin, je sais que s’il était là, il me dirait non, il saurait m’expliquer les choses, seulement cet ami, aussi bon qu’il soit, il ne peut effacer toute cette haine autour de moi.
Et oui, c’en est fini de moi, adieu.